27/10/2020

Match arrêté › UNE MINUTE D'ÉGAREMENT

L'étincelle : une friction entre deux joueurs au sol va embraser la pelouse...|Illustration © Jean-Paul Epinette


Dimanche, à Gimont, à la suite d'une brève échauffourée entre les deux équipes, l'arbitre a décidé de ne pas reprendre le match.

Une minute d'égarement transformée en "Deux minutes de terreur" – entre autres outrances des commentaires en ligne et des réseaux sociaux.

Une décision qui risque pourtant de coûter cher aux clubs. Lesquels n'avaient vraiment pas besoin de ça...



La séquence photo permet de reconstituer les circonstances de l’incident qui agite les supporters connectés. Sur une touche, se saisissant du ballon, le demi de mêlée de Gimont, Bédout, est stoppé par P. Brifeille. Adrien Boisserie et Pistore le bloquent au ballon. Maul. Bédout est projeté en touche.

L’étincelle

À l’arrière plan (Photo – 1), on distingue Gouget (N°19), au sol, qui lève le bras gauche pour se protéger d’un Gimontois reconnaissable à son bandeau.

La vidéo confirme : on voit l’intéressé balancer un marron à son adversaire et se jeter sur lui. Les deux vont s’administrer une peignée, comme on en voit sur tous les dimanches.

Niero se détourne du jeu pour aller les séparer sans un geste de violence (Photo – 2). Ce que corrobore, une fois encore la vidéo.

Un feu de paille

La « séparation » des belligérants est un moment délicat. Immanquablement, surgit un "justicier" qui avoine le médiateur. C’est ce qu’il se passe et que montre clairement la vidéo : venu de la touche, le N°20 de Gimont accourt dans le dos de Niero et lui saute dessus.

Dès lors, chacun se jette dans la mêlée pour défendre le copain. Pendant qu’on « s’explique » sur le terrain, le pugilat rebondit contre la talanquère entre des supporters survoltés qui échangent injurent et moulinets.

Le feu se propage un instant à la gauche des tribunes puis s’épuise, les deux camps s’activant à étouffer les dernières braises.

Parler de violence est un mensonge. Le match n'a même jamais atteint des sommets dans l'engagement... - Photo © Jean-Paul Epinette

Restons lucides

La séquence, de la première à la dernière image, en témoigne : l’explosion aura duré à peine une minute. Alors ne cédons pas à l’excès de ceux qui clament sur internet : « 2 minutes de terreur hors et sur le terrain », dénonçant une « rencontre violée ». Rien que ça !

C’est ainsi sur tous les terrains d'ovalie. Tous les dimanches. Et depuis des lustres ! Le rugby n’est, au fond, qu’un avatar de La Guerre des Boutons, entre les « On-est-chez-nous » et les « On-va-pas-s’échapper ».

Dans ces moments-là une étincelle suffit à l’explosion. Ne faisons pas semblant de l’ignorer.

On ne peut pas, tout à la fois, chanter avec lyrisme la « remontée de bretelles » du vestiaire, la « fierté et les hormones » de joueurs locaux et leur rugby « direct et rustique », puis entonner un « Requiem pour le rugby » prédisant la « petite  mort » de celui-ci...  (Citations toutes extraites d’internet.)

On ne peut pas remonter les mecs comme des coucous puis se désoler ensuite, de façon hypocrite, de leurs « débordements ».

L'arbitre et le représentant fédéral (de dos) ont appelé capitaines, entraîneurs et dirigeants sur la pelouse pour les informer de sa décision. - Photo © Jean-Paul Epinette

Pour ne pas craquer sous la pression, il faut de la lucidité. Savoir situer les enjeux et penser au jeu, d’abord. Seule manière de se faire respecter. La part de responsabilité des entraîneurs et de l’encadrement est prépondérante.

Comme ils l’avaient fait à Condom, déjà, les Prune et Blanc ont su en faire la démonstration par le jeu : quatre essais en un quart d’heure.

Oui, pour Gimont, c'était dur à avaler.

Pour revenir à cette brève déflagration, le jeune arbitre a rejoint son vestiaire sur ces paroles « Ça dégénère dans le public donc j’arrête le match. » Maxime Varlet, auteur d’une bonne prestation dans l’ensemble, a juste manqué de l’expérience nécessaire face à une situation qui réclamait discernement et fermeté.

Un ancien aurait appelé les deux capitaines, sermonné tout le monde puis brandi deux cartons, et le match aurait été jusqu’au bout.

Ce qui nous aurait épargné le tam-tam des réseaux sociaux et les outrances de leurs chants de malheur.

Une heure après l’incident, les deux camps partageaient un verre craignant que cette minute d’égarement ait, au bout du compte, des conséquences disproportionnées.

On les comprend.


                        Jean-Paul Epinette                      

 

 

27/10/2020