16/06/2016

Claude Pons › L'INVENTEUR DES « 4 CANTONS » A RENDU L'ANTENNE

Claude Pons, aux côtés de Pierre Boissère, lors d'une réunion de l'association des 4 cantons.|Archive © Jean-Paul Epinette - icimedia@free.fr

Claude Pons est mort. Depuis que la nouvelle s'est répandue – diffusée par la radio – Radio 4 – sa radio, répercutée par les réseaux socios, et le bouche-à-oreille, un nombre incommensurable de gens de notre pays éprouvent, progressivement, profondément, à quel point désormais ils sont les orphelins d'un compagnon de route nommé Claude Pons...



Durant près de soixante ans, l'instituteur monflanquinois, convaincu que l'émancipation de l'individu passe par le savoir et la culture, s'était multiplié sur tous les terrains, entraînant avec lui des centaines d'acteurs.

Il savait que l'éducation se poursuit au-delà des murs de l'école. Quelle doit être permanente. Être populaire parce que l'individu, pour s'émanciper, doit s'approprier les outils du savoir. Et donc du libre-arbitre. De la citoyenneté. Du pouvoir.

C'est ce qui allait se passer au début des années 80 avec la création de Radio 4, mais Claude Pons n'était pas pour autant un « professionnel de la radio. »

Ce militant clairvoyant du développement local – notre pays du haut-Agenais – avait le premier compris, en effet, qu'il fallait saisir l'occasion de nous doter d'un outil de communication "mis en œuvre par les gens du pays, pour les gens du pays".

L'inédéniable succès de Radio 4 réside là, avant tout. Et s'il dure depuis plus de trente ans c'est aussi parce que ses animateurs actuels n'ont jamais manqué jusqu'ici à cette ligne fondatrice.

Tout cela n'était pas dû au hasard.

Après ses études et sa formation à l'école normale d'instituteurs d'Agen, l'instit' tonneinquais avait fait une rencontre décisive. Celle de Célestin Freinet, l'un des plus grands pédagogues français, dont le travail et les recherches, possèdent encore aujourd'hui une influence planétaire.

Claude Pons travaillera avec Élise, l'épouse de Freinet à l'Institut coopératif de l'École Moderne, à Cannes.

À son retour en Lot-et-Garonne, le jeune instituteur sera nommé à monflanquin où il met en oeuvre sa pédagogie novatrice, en classe et hors les murs.

Février 1983 - Réunion de l'association des 4 Cantons à Castillonnès.

C'est ainsi qu'avec la complicité du maire de l'époque, René Andrieu, il crée une Maison des Jeunes et de la Culture. L'une des toutes premières en milieu rural. Et l'une des dernières à avoir survécu et qui demeure dynamique.

Le journal de la MJC, Sous les Arcades, publié pour la première fois en novembre 1965 continue de paraître tous les mois. (Le prochain N° sera mis en page ce mois-ci).

L'air de renouveau que Claude Pons et l'équipe qui l'entoure font souffler sur Monflanquin vont valoir à la bastide une renommée hors du commun – notamment sur le plan du tourisme et du cadre de vie –  qui lui valent le titre de "Plus beau village de France".

Claude pons est un pionnier du «Penser global / Agir local» persuadé qu'il faut mettre en oeuvre, à son niveau, sur le terrains, le travail de recherche et de réflexion sur les problématiques et les priorités sociales, environnementales et économiques du territoire.

Cette bonne recette, Claude Pons veut donc l'étendre aux cantons voisins. On est au milieu des années 70. On parle d'aménagement du territoire, de développement local. L'État met en oeuvre des contrats de Pays qui permettent de réaliser des projets dans un partenariat État / Région / Communes.

Les premiers en Aquitaine seront pour Monflanquin puis Cancon-Castillonnès-Villeréal. L'association des 4 cantons du Haut-Agenais joue le rôle d'animateur. Met en place une coordination des syndicats d'initiative, encourage la réflexion sur le développement touristique, aide à la conception d'équipements publics, de programmes de formation, d'études économiques, de créations de circuits pédestres, etc.

1990 - Autour de Claude Pons, une partie de l'équipe de Radio 4.

Après le grand inventaire culturel sur le patrimoine oral traditionnel conduit par Pèire Boissière (1979 - Film, disque, cassette, éditions...) l'association des 4 cantons inscrit deux projets majeurs à son programme : Ciné 4  et Radio 4 cantons.

La culture et l'information participent de l'éducation du citoyen. Claude Pons trouve alors dans la complicité de la municipalité de Castillonnès et d'un retraité cinéphile – Jean Marbleu – l'occasion de réhabiliter le "ciné-paradiso" de Castillonnès qui sera la plus petite salle d'Art et d'Essai de France. Ou presque !

Quant à Radio 4 Cantons – voir plus haut – elle allait dépasser tout ce que l'on connaissait alors dans le genre, avec une audience record. En 1985, Fumélois et Villeneuvois ignoraient sciemment la radio des côteaux. Aujourd'hui, un invité n'hésite pas à "monter" d'Agen pour un temps de parole qu'il ne considère plus aujourd'hui comme du "temps perdu".

Tout cela, les gens du pays le doivent à Claude Pons qui était à l'oeuvre dans les coulisses pour organiser, gérer, animer la réflexion permanente, et devant le micro à 7h30 du matin pour le journal d'infos locales et plus tard le magazine culturel, "Traverses" qu'il a animé quasiment jusqu'à son dernier souffle.

Durant tout ce temps, il aura su fédérer autour de lui, susciter les rencontres, susciter les échanges, encourager les initiatives et même la prise de risque. Capable aussi de tirer avantage des débats et même des désaccords.

Sa force intellectuelle peu commune se doublait d'une capacité de travail impressionnante. Car Claude Pons trouvait également le temps et l'énergie pour d'autres chantiers, d'autres combats, d'autres victoires dont on mesurait la valeur à cette simple question : « Et là, a-t-on fait des progrès ? »

Jusqu'au bout, Claude Pons a nimé Traverses, le magazine culturel de Radio 4.

« Il avait beaucoup de casquettes ? » m'a questionné hier un journaliste. Effectivement. J'ai connu Claude Pons prof de collège, conseiller municipal, président de MJC, correspondant de Sud Ouest, président départemental de Maisons paysannes de France, de la fédération de Randonnée pédestre, siégeant à la Fédération des oeuvres laïques, au comité départemental du tourisme, à la fédération des Radios associatives d'Aquitaine et des deux Charentes, au syndicat national des Radios libres...Cheville ouvrière, encore, du Centre d'Études des Bastides. Et la liste est incomplète !

Comme un Compagnon du Devoir

Claude Pons ne collectionnait pas les casquettes. Ni les jetons de présence. Ni les honneurs. Il était là parce qu'il avait des idées à mettre en oeuvre. Des projets à faire naître. À faire exister. Quand le projet était sur les rails. Il partait sur un autre chantier. Comme les compagnons du Devoir.

Aujourd'hui, le réseau départemental de sentiers pédestre est devenu réalité. Tout comme la prise en compte de la sauvegarde du patrimoine bâti rural. Ou encore, les gîtes et tables d'hôtes du "tourisme vert". Sans oublier la renaissance des bastides de notre région, désormais organisées en association.

Claude Pons était donc increvable ! Inarrêtable !

Je me souviens qu'un jour il m'embarqua dans sa voiture cabossée pour Agen et le Conseil général où il y avait un dossier à débloquer. Soudain, au détour d'un couloir, sort d'un bureau Jean François-Poncet, président du conseil général, ex-ministre des affaires étrangères de Giscard, rosette et complet-veston.

«– Hé, salut Claude Pons ! »
Ebourrifé, en espadrilles, pantalon de velours élimé, chemise blanche froissée, Claude Pons :
«– Salut Président, comment-va ? »
Et les compères que tout semblait opposer, de débattre sur le champs, sur un coin de bureau, du dossier en panne. Qui fut débloqué.
Tu vois, me lança-t-il, sur le chemin du retour. Descendre à Agen, c'était pas du temps perdu. !»

La Plaquette des 4 cantons : une invention de Claude Pons.

On notera, en passant, qu'il n'avait pas manqué de m'emmener avec lui. Non pas pour la promenade, mais parce qu'en bon pédagogue il pensait que je pourrais en tirer un enseignement.

Voilà pourquoi depuis jeudi matin, le nombre d'orphelins que j'évoquais plus haut  ne cesse de croître. L'énergie de cet agitateur de pensées et de projets va faire cruellement défaut.

Et puis, Claude Pons savait nourrir les amitiés de petites touches sensibles et essentielles. Dans ses studieuses escapades, il savait trouver le temps pour dénicher la bouteille d'un cru confidentiel, le fromage de quelque estive reculée, ou un flacon d'huile d'olive vierge incomparable. Et les partager.

Ce lien aussi, sera irremplaçable.

Adiu mon fraire, mon mèstre, mon amic.

Jean-Paul Epinette


Illustrations ci-dessus
– Photo noir & Blanc :  Réunion de l'association des 4 cantons du Haut-Agenais" - Castillonnès, salle de l'amicale laïque - 7 février 1983.
De g à d : Jean Marbleu, Michel Debiard, Colette Gervaud, Gilberte Vigerie, Maurice Caumières, Guy Berny, Jean-Paul Epinette, Thérèse Campas. (Derrière elle, Jean-Etienne Monier.) Jean-Denis Ménard, Jacques Dubreuil. (Derrière lui, à sa gauche, René Doumergue) Christian Dieudonné, Claude Barreau, Claude Pons, Pèire Boissière.
– Photo Radio 4 - (1990 - De g à d) À l'arrière-plan : Jean-Rocher, Jean-Etienne Monier, Josy Thomassin †, Jacme Delmas, Katia Epinette †, Brigitte Julien. Au premier plan : Denis Quaranta, Christophe Vecchiola, Mathieu Ménard †, Claude Pons †, Jean-Paul Epinette.

 

 

 

16/06/2016