27/09/2017

Retraite › 50 ANS À GRATTER, POUR DES CLOPINETTES

Colette Thomas a validé mercredi ses dernières grilles du Loto.|Photo © jean-Paul Epinette - icimedia@free.fr

Devinette – « Si l’on vous dit : Cartouche, tic-tac, grille, baguette, journal, graines, blonde, gris, bic, piles, ravioli, lunettes, job, vermicelle… Où suis-je ? »
Réponse : Dans le dernier drugstore du pays, qui a baissé son rideau mercredi à midi. Colette Thomas, 78 ans, entre une grille à gratter et trois paquets de clopes, a décidé de passer le témoin. C'est Isa Lafont qui rouvrira, dimanche...



7 jours sur 7, de 7 heures du mat' à 7 heures du soir, « Chez Thomas » on trouvait de tout. Comme dans un drugstore américain, les médocs en moins !

Pour le reste, si vous aviez un petit creux et rien dans le frigo, si vous vouliez le journal, devenir millionnaire, recoudre un bouton, prendre la vie à pleins poumons, écrire une carte postale ou sucer un bonbon – quand plus rien ailleurs n'était ouvert – c'est chez Colette qu'il fallait aller. Quitte à devoir toquer au volet la nuit venue...

Rien, pourtant, n'avait prédestinée cette native de Montagnac-sur-Lède (en juillet 1939) à tenir boutique. « On travaillait la terre, raconte Colette. Après la mort du père, la propriété a été vendue. C'est M. Ferrand, huissier et assureur à Villeréal, qui est venu nous voir, ma mère et moi, pour nous dire qu'il y avait une affaire à reprendre.»

C'est ainsi qu'Élise Mallet et sa fille se retrouvèrent derrière le comptoir de la petite épicerie de la place de l'église, jusque là tenue par Mme Soulage, la mère des actuels propriétaires, Rivaillier.

« C'était le 1er février 1967, précise-t-elle. Au départ, on n’avait aucune expérience. On vendait épicerie, droguerie, mercerie, un petit casier de cigarettes... En face, il y avait le bureau de tabac de M. Delcayrou  – à la place de l'actuelle pharmacie. Il était tout le temps ouvert, même le dimanche en fin d’après-midi. Alors on a fait pareil ! À cette époque, on habitait à l’étage, donc à midi on restait ouvert… 7 jours sur 7, de 7 heures du matin à 7 heures du soir... »

Colette Thomas et son épicerie-tabacs ne faisaient qu'un... - Photo © jean-Paul Epinette - icimedia@free.fr

Au buraliste, Delcayrou, avaient succédé Patrick Dubois, Sylvie Blandinière puis Claude Lartique qui  ferma définitivement boutique.

Colette et sa mère reprirent alors le bureau de tabac : « Après les cigarettes, on a pris les journaux. On tenait un carnet de bons pour l’échange pain-blé. Pour la distillation aussi. »

Le pain, Colette et sa mère n'y tenaient pas vraiment

« Un jour le boulanger de St-Martin, M. Landas, nous a proposé un dépôt de pain. On a hésité, mais bien vite on a vendu des corbeilles et des corbeilles de pain ! Là-dessus, le Loto et la Française des jeux sont venus s’ajouter. À cette époque, il y avait de la vie, à Villeréal : le Festival des majorettes, la fanfare, les courses de trottinettes et de karting, les courses de chevaux, le camping et les bungalows aux Riviérettes... »

« On vendait un peu de tout, ce qui pouvait dépanner les gens, le soir ou le dimanche, quand tout est fermé. Les produits de première nécessité. »

Et c’est toujours le cas aujourd’hui : pâtes, conserves, minute-soupes, piles, papier hygiénique, caoutchouc pour les bocaux, papeterie, cartes postales, journal, lunettes de soleil, confiserie, cartouches de chasse, semences voisinent avec les rayons de tabac, la pannetière et les guichets de jeux.

Les clients se succèdent pour valider une grille, acheter une cartouche de cigarettes. Colette parvient même à interpréter les demandes des visiteurs anglais, très nombreux, inquiets de savoir où ils pourront désormais acheter leur tobacco. Ils voudraient bien pouvoir stocker un peu, pour voir venir…

Après la mort d'Elise, Colette a continué de plus belle. De l'angelus du matin à celui du soir, une journée réglée par le clocher tout proche. Pendant cinquante ans. Ou presque. Car depuis qu’elle n’habite plus sur place, Colette a saisi l'occasion de fermer entre midi et deux.

Tant d'années ! Et pourtant, jusqu’en 2016, l’idée de prendre sa retraite lui était insupportable. Puis la fatigue est venue, aggravée par l’agression dont elle a été victime au début de l’année. Alors, vendre son commerce est soudain devenu pressant.

Deux agences étaient sur le coup, mais c’est Philippe Girou, nouveau venu sur le marché des marchands de bien,qui a été décisif en convaincant Isabelle Lafont de reprendre la petite épicerie.

L'épicerie-tabac rouvrira dimanche 1 octobre. - Photo © jean-Paul Epinette - icimedia@free.fr

Tout une époque à définitivement vécu. L'épicerie-tabac Thomas a fermé ses portes pour de bon mercredi à midi. Elle ne rouvrira que dimanche 1er octobre. Isa Lafont qui a tenu la Cave à Vin durant de nombreuses années revient dans la bastide et tiendra la boutique.

7 jours sur 7, de 7h du mat' à 7h du soir... On connait son énergie. Mais, pour cinquante ans, Isa ?

Quant à Colette Thomas, elle avoue que le repos était nécessaire. « C'est surtout les jambes », consent-elle à admettre. Mais elle se demande à quoi elle pourra bien occuper son temps. À la retraite depuis déjà un bout de temps, son mari, lui, "s’occupe" sur les trois hectares de terre qu’il a conservée à Montagnac.

Villeréalinfos vous souhaite une bonne retraite, Mme Thomas, et tous ses lecteurs avec nous !


 

 

 

 

 

 

27/09/2017